Distribution du report à nouveau et des réserves : évolutions récentes et cadre juridique renforcé

Le 01/04/2025

Rédigé par Hélène Marlier-Pommier et Lorraine Brétaudeau

Une clarification attendue sur la distribution du report à nouveau

La question de la distribution du report à nouveau (RAN) a récemment fait l’objet d’une importante précision jurisprudentielle par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 12 février 2025 (Cass. Com., 12 févr. 2025, n°23-11.410), a posé un cadre à la distribution du report à nouveau, laquelle ne peut intervenir que par décision de l’assemblée générale ordinaire annuelle d’approbation des comptes (AGOA).

 

Cette décision diffère de la position récente adoptée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 30 janvier 2025 (CA Paris, 30 janv. 2025, n° 22/17478), qui avait admis la possibilité d’une distribution du report à nouveau en dehors de l’AGOA.

 

En consacrant le caractère impératif des articles L. 232-11 et L. 232-12 du Code de commerce, la Cour de cassation a fermé la porte à toute flexibilité en la matière.

Un principe impératif : la distribution du report à nouveau uniquement en AGOA

Le report à nouveau étant un bénéfice en instance d’affectation, l’arrêt du 12 février 2025 affirme, sans surprise, que :

  • Le report à nouveau bénéficiaire d’un exercice est intégré dans le bénéfice distribuable de l’exercice suivant.
  • Seule l’assemblée approuvant les comptes de cet exercice (AGOA) peut décider de son affectation et, le cas échéant, de sa distribution.
  • Toute délibération d’une autre assemblée générale prévoyant une telle distribution encourt la nullité.

 

Cette position impose d’éviter les stratégies sociétaires visant à contourner les délais de mise en paiement du dividende ou à permettre une distribution du report à nouveau en dehors de l’assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes.

Distribution des réserves : Qu’en est-il ?

Traditionnellement, la distribution des réserves pouvait être décidée lors de toute assemblée générale, qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire, sous réserve que les postes de réserves concernés soient expressément identifiés.

 

Cependant, une décision isolée du Tribunal de commerce de Paris en date du 23 septembre 2022 (n° J2021000542 : RJDA 5/23 n°261) a remis en cause cette pratique en annulant une distribution de réserves décidée en dehors de l’assemblée générale d’approbation des comptes, la qualifiant de « dividendes fictifs ».

 

Bien que cette décision ait été frappée d’appel, elle a suscité des interrogations quant à la possibilité de distribuer des réserves en dehors de l’AGOA et de nombreux praticiens recommandaient de limiter ces distributions au cadre de l’assemblée générale d’approbation des comptes ou, si une distribution exceptionnelle était envisagée, de la fonder sur un arrêté comptable intermédiaire certifié par un commissaire aux comptes, attestant des capacités distributives de la société.

 

Il convient donc d’attendre la position de la Cour d’appel pour déterminer si cette remise en cause sera confirmée ou non.

Conséquences pratiques et recommandations pour les sociétés

Pour les entreprises et leurs dirigeants, cette clarification impose de revoir les stratégies de distribution des capitaux propres. En particulier :

  • Respect des délais de convocation et de décision : toute décision de distribution du report à nouveau doit être prise lors de l’AGOA, sous peine de nullité.
  • Prudence sur la distribution des réserves : en l’absence d’une position claire de la Cour d’appel, il est recommandé de privilégier l’AGOA pour toute distribution de réserves et d’éviter les distributions hors de ce cadre sans validation juridique approfondie.
  • Responsabilité des dirigeants : les dirigeants doivent anticiper ces nouvelles contraintes pour sécuriser leurs opérations et éviter d’engager leur responsabilité.

Cette nouvelle jurisprudence pourrait donner lieu à d’autres débats, notamment quant à la distinction entre distribution de dividendes et répartition d’actifs. Une veille juridique attentive est donc recommandée pour anticiper d’éventuelles évolutions et risques contentieux.

Conclusion

La Cour de cassation vient d’affermir le cadre de la distribution du report à nouveau, mettant fin à des pratiques controversées et accentuant la sécurité juridique en la matière. Il est désormais essentiel pour les sociétés et leurs conseils d’adapter leurs politiques de distribution en tenant compte de ces nouvelles exigences, afin de sécuriser leurs opérations et d’éviter les risques de nullité ou de contentieux.

 

Cependant, l’affectation du bénéfice distribuable en report à nouveau reste très utile en cas de démembrement de la propriété des titres. En effet, les bénéfices mis en réserve ne peuvent être attribués, lorsqu’ils sont ultérieurement distribués, qu’au nu-propriétaire.

 

L’équipe de notre département droit des sociétés se tient à votre disposition pour échanger sur vos souhaits de distributions de dividendes.

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