Responsabilité du maître de l’ouvrage qui ne respecte pas les obligations destinées à garantir le paiement du sous-traitant

Le 09/04/2024

 

Ecrit par Valérie Valeux et Caroline Moulin

 

Sous-traitance – Responsabilité du maître de l’ouvrage qui ne respecte pas les obligations de l’article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et paiement des travaux supplémentaires

 

Cass. Civ. 3ème . 7 mars 2024, n° 22-23.309

Dans un arrêt du 7 mars 2024, la Cour de cassation rappelle que le sous-traitant est fondé à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle du maître de l’ouvrage qui ne s’est pas conformé à ses obligations tenues de l’article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 destinées à garantir le paiement du sous-traitant.

 

Les juges précisent l’appréciation de l’indemnisation accordée au sous-traitant et retiennent que le sous-traitant n’a pas à établir que les travaux dont il demande paiement ont été acceptés par le maître d’ouvrage dont la faute prive le sous-traitant de garanties qui lui auraient assuré le complet paiement de ses travaux.

Faits de l’espèce :

 

Un maitre d’ouvrage a confié la réalisation de travaux d’agrandissement et de rénovation à un entrepreneur principal, lequel a sous-traité le lot électricité.

 

Le sous-traitant était accepté et ses conditions de paiement agréées. En revanche, le maître de l’ouvrage n’avait pas exigé de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution.

 

L’entrepreneur principal ayant été placé en liquidation judiciaire, le sous-traitant impayé du solde de ses factures a assigné le maître de l’ouvrage en indemnisation de son préjudice.

 

Le 9 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris retenait que le maître de l’ouvrage, qui avait accepté et agréé le sous-traitant, a commis une faute délictuelle en s’abstenant d’exiger de l’entrepreneur principal la remise d’un cautionnement ou la mise en place d’une délégation de paiement prévues à l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et que le préjudice subi par le sous-traitant du fait de cette faute correspond au montant de sa créance de travaux impayés, à l’exclusion des travaux supplémentaires dont les devis n’avaient pas été validés par la maîtrise d’ouvrage, ainsi que d’une rémunération complémentaire, qui n’avait pas été justifiée par le bouleversement de l’économie du contrat du fait d’un tiers, ni validée par la maîtrise d’ouvrage.

 

L’arrêt est partiellement censuré par la Cour de cassation.

 

Décision :

 

Au visa des articles 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et 1382, devenu 1240, du code civil, le maître de l’ouvrage, qui omet d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie, sauf délégation de paiement, de la fourniture d’une caution, prive le sous-traitant du bénéfice d’une garantie lui assurant le complet paiement du solde de ses travaux. Le préjudice réparable est alors égal à la différence entre les sommes que le sous-traitant aurait dû recevoir si une délégation de paiement lui avait été consentie ou si un établissement financier avait cautionné son marché et celles effectivement reçues.

 

L’indemnisation accordée au sous-traitant est donc déterminée par rapport aux sommes restant dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant, peu important que les travaux aient été acceptés par le maître de l’ouvrage dès lors qu’ils avaient été confiés au sous-traitant pour l’exécution du marché principal.

 

A retenir :

 

La loi du 31 décembre 1975 protège le sous-traitant et met à sa disposition un certain nombre de mécanismes pour lui permettre de garantir le paiement des sommes qui lui sont dues.

 

L’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 impose à l’entrepreneur principal de le garantir à l’aide d’une caution bancaire ou d’une délégation de paiement acceptée par le maître de l’ouvrage.

 

L’article 14-1 de cette même loi impose au maître de l’ouvrage qui a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant de mettre l’entrepreneur principal en demeure de s’acquitter des obligations qui lui incombent et, lorsque le sous-traitant est accepté et que ses conditions de paiement ont été agréées, d’exiger de l’entrepreneur principal, si le sous-traitant ne bénéficie pas d’une délégation de paiement, qu’il justifie avoir fourni la caution.

 

Confirmant sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation rappelle que « le sous-traitant est fondé à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle du maître de l’ouvrage qui ne s’est pas conformé à ses obligations en matière de sous-traitance en rapportant la preuve de son préjudice. »

 

Au-delà, la Cour de cassation précise le raisonnement selon lequel elle apprécie l’indemnisation du préjudice du sous-traitant et opère une distinction entre les 2 hypothèses listées à l’article 14-1 :

 

– Dans le cas où le maître de l’ouvrage, qui avait connaissance de l’existence d’un sous-traitant sur le chantier, s’est abstenu de mettre l’entrepreneur principal en demeure de lui présenter le sous-traitant, il lui fait perdre le bénéfice de l’action directe.

Le préjudice du sous-traitant s’apprécie alors au regard de ce que le maître d’ouvrage restait devoir à l’entrepreneur principal à la date à laquelle il a eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier ou des sommes qui ont été versées à l’entrepreneur principal après cette date ;

 

– En revanche, dans l’hypothèse où le sous-traitant a été agréé et accepté mais ne bénéficie pas d’une garantie de paiement, l’indemnisation accordée est déterminée par rapport aux sommes restant dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant ;

 

– Peu importe alors que les travaux aient été acceptés par le maître de l’ouvrage dès lors qu’ils avaient été confiés au sous-traitant pour l’exécution du marché principal.

 

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