La fin du secret sur les biens immobiliers détenus à l’étranger

Le 11/12/2025

 

Rédigé par Eve d’Onorio di Méo

Jusqu’à présent, certains biens immobiliers situés hors de France — un appartement en Espagne, une maison en Italie, etc. — pouvaient encore échapper à la vigilance de l’administration fiscale française. Cela concernait aussi bien l’impôt sur le revenu que l’IFI ou les droits de donation et succession. Ce dernier angle mort de la transparence internationale est sur le point de disparaître.

 

Depuis plusieurs années, l’OCDE organise déjà l’échange automatique d’informations concernant les comptes bancaires et, plus récemment, les cryptoactifs. La dissimulation d’un compte étranger est devenue quasi impossible, comme l’a montré la vaste campagne de régularisation de 2013–2017. Restait un domaine moins encadré : les biens immobiliers situés à l’étranger, faute de dispositif international structuré.

 

Un accord conclu le 4 décembre 2025 entre plusieurs États de l’OCDE vise désormais à combler cette lacune. Il ne fait aucun doute que l’échange automatique d’informations immobilières sera opérationnel d’ici 2030.

1. L’immobilier entre dans l’ère de la transparence fiscale

Les administrations fiscales disposent aujourd’hui de systèmes d’information complets et centralisés sur les biens immobiliers (registres fonciers, mutations, impôts locaux…). Le transfert de ces données vers d’autres pays est désormais techniquement simple.

 

Le 4 décembre 2025, un accord d’envergure a été annoncé : 25 États et un territoire, dont la France, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, soutiennent un nouvel accord international visant à lever le secret entourant les biens immobiliers détenus à l’étranger. De nombreux pays devraient rapidement les rejoindre.

 

Ce futur dispositif, appelé AMAC RBI (Accord multilatéral entre autorités compétentes sur les renseignements relatifs aux biens immobiliers), vise à permettre l’échange automatique d’informations déjà disponibles localement. Son entrée en vigueur est prévue entre 2029 et 2030.

 

 

Ce que cela changera concrètement

 

Chaque administration fiscale pourra consulter, pour ses résidents, la liste exhaustive des biens immobiliers détenus à l’étranger.

 

Les informations échangées devraient inclure notamment :

  • l’adresse et la localisation des biens ;
  • leur valeur ;
  • l’identité des propriétaires, personnes physiques ou sociétés ;
  • l’identité du bénéficiaire effectif ;
  • les revenus locatifs perçus ;
  • les cessions réalisées (prix, plus-values) ;
  • les donations éventuelles.

 

Ces données existent déjà : l’accord ne fera que systématiser leur transmission au pays de résidence du propriétaire, comme cela existe déjà pour les comptes bancaires.

 

 

Conséquences pour les propriétaires français

 

Pour un résident fiscal français détenteur d’un bien en Espagne, au Portugal ou ailleurs :

  • l’existence du bien remontera automatiquement à l’administration fiscale française ;
  • le fisc pourra comparer les informations transmises avec les déclarations (revenus fonciers, IFI, plus-values…) ;
  • les omissions deviendront difficiles à expliquer.

 

La France a d’ailleurs déjà procédé à plus de 50 000 contrôles concernant des biens étrangers non déclarés, pour un redressement moyen de 30 000 €.

 

A cela s’ajoutent les sanctions pénales renforcées depuis la loi du 10 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale.

 

L’AMAC RBI donnera aux administrations une capacité de détection bien supérieure. Une mise en conformité volontaire est fortement recommandée pour éviter des conséquences fiscales et pénales lourdes — d’autant que les biens loués sont souvent associés à des comptes bancaires étrangers eux-mêmes non déclarés, aggravant encore le risque.

2. Comment régulariser un bien immobilier étranger ?

En 2013, la France avait ouvert une procédure de régularisation pour les comptes bancaires étrangers (circulaire Cazeneuve), avec peu de marges de négociation. Un dispositif comparable pourrait être déployé pour les biens immobiliers.

 

À ce jour, pour éviter un redressement ou une future campagne de régularisation plus stricte, il est recommandé de déposer spontanément une mise en conformité, idéalement accompagnée par un avocat fiscaliste.

 

Pour mémoire, un résident fiscal français doit déclarer ses revenus mondiaux, son patrimoine immobilier mondial et l’ensemble de ses comptes étrangers.

 

Ces obligations valent que le bien soit détenu en direct ou via une société écran, la notion de bénéficiaire effectif permettant désormais de remonter au propriétaire réel.

 

 

Impôt sur le revenu / prélèvements sociaux (location ou vente)

 

Le droit de reprise est normalement de 3 ans, mais peut être porté :

  • à 10 ans en cas d’activité occulte (ex. location meublée saisonnière non déclarée) ;
  • à 6 ans en cas de fraude ou recours à l’échange international.

 

Dans le cadre d’une régularisation spontanée, la négociation permet souvent de limiter le rattrapage à 3 années (ex : dépôt en 2026 → revenus 2023, 2024, 2025).

 

Les plus-values immobilières réalisées à l’étranger doivent aussi être régularisées lorsque la convention fiscale attribue à la France un droit d’imposer.

 

 

IFI et droits d’enregistrement (donation, cession)

 

Le délai de reprise est de 6 ans lorsque la valeur d’un bien étranger n’a pas été correctement révélée. L’administration peut donc réintégrer la valeur du bien dans l’IFI sur 6 années.
Mais une régularisation spontanée permet généralement de réduire le rattrapage à 3 ans (ex : IFI 2023–2025 pour une régularisation en 2026).

 

Il existe un risque majeur de rectifications en matière de transmissions (donations / successions) :

  • Succession : si le décès remonte à moins de 6 ans, l’administration peut réclamer les droits sur la valeur totale du bien non déclaré. Une déclaration rectificative est alors nécessaire.
  • Donation : une donation étrangère non révélée en France n’est jamais prescrite tant que l’administration n’en a pas connaissance. Les droits de donation deviennent exigibles dès révélation du don.

 

 

Pénalités possibles

 

S’ajoutent aux impôts dus :

  • 0,2 % d’intérêt de retard par mois ;
  • 40 % de majoration (manquement délibéré) ;
  • 80 % de majoration (manœuvres frauduleuses).

 

Une régularisation volontaire permet de négocier une réduction importante des pénalités : remise partielle des intérêts, voire suppression des majorations — sous réserve d’un dossier bien présenté et motivé par une certaine « bonne foi ».

 

 

En résumé, les contribuables disposent encore de quelques années d’ici 2030 pour vérifier ou corriger la déclaration de leurs biens situés à l’étranger. Une régularisation volontaire permettrait de réduire le rattrapage fiscal à 3 ans, de négocier les pénalités, d’éviter un contrôle fiscal sévère une fois l’échange automatique en place et surtout échapper à une condamnation pénale.

 

L’entrée en vigueur du futur système d’échange international d’informations immobilières rend nécessaire l’anticipation sur ce sujet.

 

À défaut, la facture fiscale pourrait être particulièrement lourde.

 

 

Eve d’ONORIO di MEO

Avocat Associé

Spécialiste en Droit Fiscal

eve.donorio@alister-avocats.eu

Tel : +33(4) 91 15 72 62

 

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