Le 30/10/2025
Rédigé par Valérie Valeux et Caroline Moulin
Cass. 3e civ. QPC 19-6-2025 n° 24-22.125 FS-D
La Cour de cassation vient de confirmer son interprétation de l’article L. 145-5 du Code de commerce selon laquelle, par dérogation au principe de prescription biennale des actions fondées sur les dispositions du Code de commerce relatives aux baux commerciaux, la demande visant à faire constater l’existence d’un bail commercial statutaire issue du maintien dans les lieux du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire est imprescriptible.
Au-delà, elle précise que cette imprescriptibilité ne méconnaît pas la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Faits de l’espèce
Le 14 juin 2004, l’indivision aux droits de laquelle est venu le groupement forestier consentait à la société Jungle Park un bail commercial de courte durée, suivi d’un nouveau bail dérogatoire qui expirait le 30 septembre 2006. La locataire se maintenait dans les lieux au-delà de cette date, avec l’accord tacite du bailleur qui a émis des quittances jusqu’en décembre 2016, puis facturé des indemnités d’occupation.
Le 19 avril 2017, la locataire assignait le bailleur en constatation de l’existence d’un bail soumis au statut des baux commerciaux né du fait de son maintien en possession à l’issue du bail dérogatoire.
Dans un contexte de renvoi après cassation (arrêt du 25 mai 2023), la Cour d’appel de Toulouse constatait l’existence d’un bail commercial, dans un arrêt rendu le 10 septembre 2024.
Le bailleur se pourvoyait alors en cassation et demandait de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC afin qu’il se prononce sur la constitutionnalité de l’article L. 145-5 du Code de commerce (version antérieure à 2008) tel qu’interprété par la Cour de cassation et plus précisément sur l’absence de prescription pour les demandes de constatation d’un bail commercial né du maintien en possession après un bail dérogatoire.
Le bailleur soutenait qu’en raison de l’absence de prescription cette disposition violait le principe de sécurité juridique, le droit de propriété et le principe d’égalité issus de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Décision
La Cour de cassation prononce un non-lieu à renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel. Elle retient que la disposition contestée, telle qu’interprétée, ne méconnaît ni l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ni le principe d’égalité et ne porte pas non plus atteinte au droit de propriété du bailleur aux motifs que :
1) Le bailleur peut s’opposer au maintien avant le terme du bail dérogatoire, préservant ainsi son droit de propriété,
2) Le locataire et le bailleur sont dans la même situation procédurale, tous deux pouvant demander à voir constater l’existence d’un bail soumis au statut des baux commerciaux né du fait du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire sans que leur demande ne soit soumise à prescription,
3) La différence de régime de prescription entre action en requalification et action en constatation est justifiée par leur nature différente.
A retenir
L’action en requalification d’un contrat en bail commercial et celle tendant à faire constater l’existence d’un bail soumis au statut qui résulte du seul effet de l’article L. 145-5 du Code de commerce ne sont pas soumises au même régime au regard des règles de prescription :
- L’action en requalification en bail commercial d’un contrat initialement non soumis au statut est soumise au délai biennal de prescription des actions exercées en vertu des dispositions du chapitre du Code de commerce régissant le statut des baux commerciaux ;
- Au contraire, l’action tendant à faire constater l’existence d’un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du locataire à l’issue d’un bail dérogatoire est imprescriptible.
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