La restructuration des Prêts Garantis par l’État : Un levier essentiel

Le 01/07/2024

 

Ecrit par Justine Pelenc

 

Dans cet article, nous arborerons que la restructuration des Prêts Garantis par l’État (PGE) est devenue un levier essentiel pour soutenir les entreprises en période post-crise.

 

Les Prêts Garantis par l’Etat, mis en place par les autorités publiques en réponse à la pandémie de COVID-19, ont été un instrument majeur pour aider les entreprises à maintenir leur activité pendant les périodes de perturbation économique. Pour nombreux d’entre eux, ces prêts ont offert une bouée de sauvetage aux entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie.

 

Si l’immense majorité des PGE se trouve aujourd’hui remboursée selon les échéanciers contractuels, les besoins de restructurations de PGE dans des cadres préventifs sont de plus en plus présents. Le contexte économique morose cumulé à des difficultés conjoncturelles qui se succèdent depuis 2020 expliquent que de nombreuses entreprises rencontrent ou vont prochainement rencontrer des difficultés de remboursement.

 

Instaurée dès 2022, la possibilité de restructuration des PGE a été prolongée une première fois en 2023 avant d’être renouvelée en début d’année pour 3 ans supplémentaires. « Certaines entreprises peuvent individuellement rencontrer des difficultés de remboursement de leurs prêts bancaires, dont leur PGE », justifie Bercy.

Prolongation du délai de restructuration jusqu'en 2026

C’est dans ce contexte économique ralenti et incertain que l’État a décidé, en début d’année, en accord avec la Banque de France et la Fédération française des banques, de prolonger jusqu’au 31 décembre 2026 la possibilité offerte aux entreprises de renégocier amiablement et confidentiellement leurs PGE afin d’en rallonger la durée d’amortissement jusqu’à 4 ans. Si le prolongement de l’accord est cette fois plus long que les précédents, c’est qu’il vise à « aller jusqu’à la fin de l’échéancier de la majorité des PGE octroyés », explique le ministère de l’économie.

 

Deux modes opératoires s’offrent aux entreprises qui souhaitent réaménager leurs PGE.

 

Pour les prêts d’un montant inférieur à 50.000 €, la médiation du crédit est le meilleur moyen de bénéficier d’un réaménagement, étant précisé que cette possibilité n’est ouverte qu’aux entreprises qui ne peuvent pas faire face au remboursement de leur PGE mais ont des perspectives qui permettent d’espérer un remboursement à terme. La méditation du crédit ne sert pas à opérer des restructurations de confort.

 

Par ailleurs, dès lors qu’une restructuration des PGE est envisagée, il faut concomitamment engager la restructuration des autres concours bancaires. Il s’agit là d’un engagement pris par la France à l’égard de la Commission Européenne. A défaut, il s’agirait d’une aide d’État prohibée. L’accord de place conclu avec les établissements bancaires n’a prévu de prendre en compte que les crédits à maturité à l’exception de l’affacturage et des contrats de crédit-bail.

 

L’accord à l’issue de la médiation doit aussi préciser le sort des financements à court terme et notamment l’échéance jusqu’à laquelle ces derniers seront maintenus au profit de l’entreprise.

 

Enfin, il est important de souligner qu’aucune garantie complémentaire ne peut être prise en cas de restructuration.

 

Les PGE dont le montant cumulé dépasse 50.000 euros ont quant à eux vocation à être restructurés dans le cadre de procédures de conciliation. Sous l’égide du Tribunal de Commerce et avec l’assistance d’un professionnel spécialisé du traitement des difficultés, les entreprises pourront négocier dans un cadre amiable et confidentiel les modalités de restructuration de leurs PGE adaptées à leurs capacités de remboursement.

Un impact sur le coût des financements restructurés, la valorisation et les cotations de l’entreprise

Cette possibilité offerte aux dirigeants d’opter pour un réaménagement de leurs PGE ne doit néanmoins pas occulter le fait que, comme toute restructuration bancaire, cela a un coût. Rappelons-nous que ces prêts ont été contractés en 2020 à des taux très bas d’environ 1-2%. La renégociation des PGE verra inévitablement augmenter les taux aux niveaux actuellement pratiqués soit environ 4,5%. Cette hausse importante génère nécessairement un surcoût à prendre en considération et à anticiper.

 

Par ailleurs, une question que les chefs d’entreprise se posent fréquemment avant d’engager la restructuration de leurs PGE est celle de l’impact qu’aurait cette restructuration sur la cotation BDF. Indirectement, leur crainte est que cette restructuration ait des conséquences plus négatives sur leurs encours fournisseurs (éventuellement couverts par une assurance-crédit) que l’apurement de la dette de PGE à l’échéance.

 

Si la question ne se pose pas réellement lorsque la trésorerie ne permet pas de couvrir l’échéance de remboursement, elle se pose avec acuité pour le chef d’entreprise qui anticipe des difficultés de remboursement sur la durée, lorsque sa capacité de remboursement ne couvre pas la charge de remboursement de ses emprunts. Rappelons que les règles européennes imposent de considérer qu’un crédit qui n’a pas été honoré selon son échéancier contractuel initial soit déclaré en défaut auprès de la Banque De France, qu’il soit garanti par l’État ou non. Si un PGE est restructuré, le contrat initial n’a donc pas été respecté et ce mécanisme trouve à s’appliquer.

 

Les règles de contagion commandent également de considérer que si un crédit n’a pas pu être remboursé, l’ensemble des crédits sont en défaut.

 

Plus précisément, il existe trois règles de défaut qui entrainent la mise en œuvre du mécanisme :

  • L’établissement bancaire constate un impayé,
  • L’établissement bancaire estime qu’il existe un risque de non-recouvrement,
  • L’établissement bancaire constate une restructuration avec une perte de valeur.

 

Dès lors que l’un de ces cas est déclaré, la cotation Banque De France doit en tenir compte et peut au mieux être fixée à 5 (meilleure cotation parmi les non-éligibles).

 

Si un cas de défaut est déclaré, il doit être maintenu au minimum pour une durée d’un an. Il sera ensuite levé en fonction de l’appréciation de l’établissement bancaire qui prend en compte le respect du nouveau plan d’étalement et des perspectives de l’entreprise ; et peut au maximum être maintenu jusqu’au remboursement intégral du crédit restructuré.

 

En pratique, les entreprises qui anticipent des difficultés à rembourser leurs PGE sont presque toutes déjà affectées de cotations non éligibles. Dès lors, la restructuration des concours bancaires pour ces entreprises n’entraine généralement aucun effet sur leur cotation Banque De France. Précisons également à cet égard que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 750.000 euros ne sont par ailleurs pas concernées par les cotations Banque De France.

 

Il apparait dès lors que l’impact de la restructuration des PGE sur les cotations Banque De France ne devrait pas être une réelle difficulté en pratique et les cas de PGE à restructurer pour des entreprises bien cotées devraient rester rares.

 

Par ailleurs, toute restructuration d’emprunt qui voit un allongement de la durée d’amortissement entraîne également une charge financière qui pèse plus longtemps dans les comptes de l’entreprise. L’impact sur la valorisation et la rentabilité financière de l’entreprise est donc à envisager.

 

Pour autant, contrairement aux idées reçues, la restructuration des PGE ne fait pas perdre la garantie de l’État, sous réserve que le réaménagement soit accordé dans le cadre d’une procédure de conciliation. Anticiper les démarches en faisant appel aux procédures de prévention de difficultés est donc essentiel.

 

Une décision de gestion cruciale…

La restructuration des PGE est un excellent levier de consolidation de la trésorerie à long terme. Pour conforter la réflexion et l’orientation stratégique de la société, il est opportun de modéliser différentes hypothèses de restructuration avec le cabinet comptable ou par un audit/IBR (Independent business review) spécifique. Ces documents permettront également d’appuyer les demandes de la société auprès des banques pendant les négociations et justifieront de ses capacités de retournement.

 

Par ailleurs, la restructuration des PGE est souvent l’occasion d’une restructuration plus large des engagements bancaires de l’entreprise. Il est ainsi courant de voir inclus dans le périmètre de restructuration les prêts moyens terme « classiques » de sorte que la dette bancaire est traitée dans sa globalité, dette senior et PGE.

 

L’anticipation reste la clé d’un retournement efficace

Restructurer ses engagements bancaires est un levier fort qui ne pourra pleinement porter ses effets que si la demande est anticipée. En matière de gestion des difficultés, et de difficultés de trésorerie en particulier, l’anticipation est la clé. Les outils à disposition des dirigeants sont nombreux et efficaces s’ils sont utilisés à temps. Les procédures de prévention des difficultés, mandat ad hoc ou conciliation, conduites confidentiellement sous l’égide d’un professionnel spécialisé du traitement des difficultés permettent dans la plupart des cas de trouver des solutions adaptées aux difficultés rencontrées.

 

Il faut savoir y faire appel et ne pas hésiter à se faire accompagner par des professionnels spécialisés (avocat, mandataires ad hoc ou conciliateurs, conseillers comptables et financiers…) pour pouvoir bénéficier de l’ensemble des dispositifs.

 

En conclusion, il ne faut pas reculer devant la crainte d’une dégradation de notation. Une restructuration globale intégrée dans un projet stratégique de développement de l’activité facilite les discussions bancaires et permet d’obtenir des accords favorables au rebond. Les entreprises qui s’engagent dans cette démarche avec agilité et anticipation seront mieux positionnées pour prospérer.

 

 

En cas d’interrogation sur ce sujet, Maître Justine Pelenc et notre département droit des entreprises en difficultés se tient à votre disposition.

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