Le 17/05/2024
Écrit par Jochen BAUERREIS Avocat & Rechtsanwalt et Viviane EBERSOLD Avocat & Rechtsanwältin
Contexte juridique
Dans notre « Dossier spécial : Allemagne 2024 » sont aujourd’hui présentées les différences à avoir à l’esprit entre le droit allemand et le droit français lorsque, à la suite d’une cession de droits sociaux, le cessionnaire souhaite engager la responsabilité du cédant pour avoir manqué à son devoir d’information précontractuelle.
En effet, le fondement sur lequel le cessionnaire pourra exercer une action en responsabilité ne sont pas les mêmes en droit allemand et en droit français, ce qui sera illustré sur la base d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 septembre 2023 (n°21/22491).
Dans cet arrêt, la Cour d’appel a jugé que manque à son obligation d’information précontractuelle et engage sa responsabilité contractuelle le cédant de droits sociaux qui n’informe pas l’acquéreur de changements comptables qui ont une influence sur l’Ebitda, dès lors qu’il sait que cet indice est déterminant du consentement de l’acquéreur en ce qu’il lui sert de base de calcul pour le prix de cession proposé.
Faits de l’espèce
En l’espèce, après avoir acquis en octobre 2016 les titres d’un groupe de sociétés, l’acquéreur avait reproché au cédant d’avoir manqué à son obligation d’information précontractuelle au sens de l’article 1112-1 du Code civil en ne portant pas à sa connaissance des changements apportés en 2016 dans la comptabilité du groupe affectant le calcul de l’Ebitda sur la base duquel l’acquéreur avait proposé le prix auquel il avait finalement acquis les titres.
Raisonnement de la Cour d’appel
La Cour d’appel de Paris lui donne raison en jugeant que l’acquéreur avait non seulement indiqué dans sa lettre d’intention que le prix proposé était fonction de l’Ebitda de la société, mais l’avait également rappelé dans son offre ferme et définitive d’achat, de sorte que le cédant avait conscience que les changements comptables ayant une influence sur l’Ebitda étaient déterminants du consentement de l’acquéreur. En omettant de l’informer de ces changements, le cédant avait engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de l’acquéreur.
Le cédant des titres a ainsi été condamné à indemniser le cessionnaire à hauteur de la perte de chance correspondant à la différence entre le prix effectivement payé et le prix (plus faible) qu’il aurait payé s’il avait eu connaissance de la modification des modalités de calcul de l’Ebitda qui lui était défavorable.
Portée de la décision
Dans ce contexte, la Cour d’appel rappelle également la règle prévue par l’article 1112-1 du Code civil depuis la réforme de 2016, selon laquelle outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement au devoir d’information peut également entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du Code civil.
L’article 1112-1 du Code civil reste silencieux sur la nature de la responsabilité – contractuelle ou extracontractuelle – qui peut être engagée en cas de manquement à l’obligation d’information précontractuelle. Bien que la doctrine semble s’accorder sur le fait que pendant la période précontractuelle, les fautes relèvent de la responsabilité délictuelle (extracontractuelle) et non de la défaillance contractuelle, la jurisprudence n’adopte pas toujours cette position tel que ceci ressort du présent arrêt.
L’application du régime de responsabilité (contractuelle vs. extracontractuelle) peut avoir des répercussions importantes en pratique, dès lors que, dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle, le demandeur se voit opposer toutes les exceptions tirées du contrat de cession (par ex. clauses exonératoires/limitatives de responsabilité, clauses de franchise et de plafonnements etc.).
Comparaison franco-allemande
En droit allemand, l’acquéreur souhaitant engager la responsabilité du cédant de titres pour avoir méconnu son obligation d’information précontractuelle agira sur le fondement de la culpa in contrahendo (c.i.c.). Cette action (c.i.c.) fait partie des fondements dénommés « quasi-contractuels » et permet d’obtenir réparation du préjudice subi en cas de violation fautive par une partie d’obligations découlant d’un rapport d’obligations précontractuel.
Dans le cadre d’opérations de rachat d’entreprises, la jurisprudence de la Cour fédérale de justice allemande (Bundesgerichtshof) attache une importance particulière à l’obligation d’information précontractuelle, raison pour laquelle il convient – tout comme en droit français où cette obligation a été inscrite dans le Code civil dans le cadre de la réforme de 2016 – d’être vigilant en la matière.
Notre équipe Alister Avocats – German Desk se tient à votre entière disposition pour vous apporter son assistance et son expertise transfrontalières afin de mettre en œuvre les démarches nécessaires et de vous permettre de vous conformer à la nouvelle réglementation de droit allemand.
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