Le 24/05/2024
Écrit par Jochen BAUERREIS Avocat & Rechtsanwalt et Viviane EBERSOLD Avocat & Rechtsanwältin
Contexte juridique
Dans notre « Dossier spécial : Allemagne 2024 » sont aujourd’hui présentées les spécificités du droit allemand en matière fiscale concernant les droits d’enregistrement dus en cas de cession de titres. En effet, les cessions de titres en Allemagne ne sont soumises à droit d’enregistrement qu’à certaines conditions, ce qui n’est pas le cas en France.
Les différences en la matière entre le droit allemand et le droit français sont présentées sur la base d’un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 6 juillet 2023 (n°20/05110) dans lequel a été jugé que la transformation d’une SARL en SAS n’est opposable à l’administration fiscale qu’à compter de sa publication au registre du commerce et des sociétés. Ceci a un impact sur les droits d’enregistrement dus dans le cadre de la cession, puisque les droits d’enregistrement sont liquidés en fonction de la nature juridique des titres au moment de la déclaration.
Faits de l’espèce
La Cour d’appel de Lyon a ainsi jugé dans une affaire où il avait été procédé de la manière suivante dans le cadre d’une cession de parts sociales en vue d’économiser des droits d’enregistrement liés à la cession :
1° Toute d’abord, le cédant avait procédé à la transformation de la SARL dont les titres devaient être cédés en SAS dans le cadre d’une assemblée générale extraordinaire avec effet immédiat.
2° Le lendemain de l’assemblée générale extraordinaire, les actions de la SAS avaient été cédées à un tiers.
3° Quelques jours plus tard, il avait été procédé au dépôt au service des impôts de la déclaration de cession des actions ayant donné lieu au paiement par le cessionnaire des droits d’enregistrement applicables aux cessions d’actions de SAS. Pour rappel, les droits d’enregistrement s’élèvent à 0,1% du prix de cession alors qu’ils s’élèvent à 3% du prix de cession diminué d’un abattement égal pour chaque part sociale, au rapport entre 23 000,00 euros et le nombre total de parts de la société pour la cession de parts sociales de SARL ;
4° Deux mois plus tard, il avait été procédé à l’enregistrement du procès-verbal de transformation et au dépôt de la formalité relative à la transformation auprès du greffe du Tribunal de commerce de Lyon ayant, par la suite, publié la transformation au registre du commerce et des sociétés.
Proposition de rectification de l’administration fiscale
Trois ans après la cession, l’administration fiscale a alors adressé au cessionnaire une proposition de rectification, estimant que la cession était soumise aux droits d’enregistrement applicables aux cessions de parts sociales de SARL et a ainsi demandé le paiement de droits complémentaires (75 455 euros) et d’intérêts de retard (10 564 euros), faisant valoir que la transformation de la SARL en SAS ne lui était pas opposable à la date de cession et à la date d’enregistrement de la cession.
Raisonnement de la Cour d’appel
La Cour d’appel de Lyon lui donne raison : en application de l’article L. 123-9 du Code de commerce, les actes sujets à mention au registre du commerce et des sociétés ne peuvent être opposés à l’administration fiscale que s’ils ont été publiés. En l’espèce, tant à la date de cession qu’à la date d’enregistrement de la cession, la transformation de la société n’avait pas encore fait l’objet d’une publication au registre du commerce et des sociétés. De ce fait, l’administration fiscale était dans l’impossibilité d’en avoir connaissance et la transformation ne lui était pas opposable. La cession devait ainsi être analysée comme une cession de parts sociales de SARL et taxée en conséquence.
Portée de la décision
Les conseils accompagnant des acquisitions d’entreprises doivent ainsi bien veiller à préparer l’opération avec rigueur. Il ne suffit pas de signer un accord de confidentialité ainsi qu’une LOI et de réaliser une Due diligence approfondie, encore faut-il procéder à un examen préalable des problématiques fiscales dans le cadre de la détermination de la structuration et de l’organisation de l’opération dans le temps, notamment en matière de transformation préalable d’une SARL en SAS. Ceci vaut par ailleurs également pour le droit d’information préalable des salariés en cas de vente d’une entreprise, ces derniers devant être informés sous-respect de certains délais imposés par la loi avant que l’opération ne soit réalisée, afin de leur permettre, le cas échéant, de présenter une offre d’achat.
Comparaison franco-allemande
En droit allemand, ces problématiques ne se posent pas de la même manière. En effet, les cessions de parts sociales ne sont pas soumises à un droit d’enregistrement général. En revanche, les opérations de cession d’entreprises sont soumises à un droit d’enregistrement (Verkehrssteuer) spécifique lorsque la société cible est propriétaire de biens immobiliers, dans la mesure où 90% ou plus des parts sociales de la société sont cédées à un seul et même cessionnaire (§ 1 al. 2b loi allemande sur les droits de mutation, GrEStG). Dans un tel cas de figure, un droit d’enregistrement (Grunderwerbssteuer) entre 3,5% et 6,5% de la valeur foncière (évaluée dans le cadre de la cession) (§ 8 al. 2 point 3 GrEStG) est appliqué en fonction du Land dans lequel est situé le bien immobilier. Enfin, devra également être pris en compte qu’en Allemagne l’acte de cession de parts sociales de sociétés à responsabilité limitée de droit allemand (Gesellschaft mit beschränkter Haftung, GmbH) doit être notarié, ce qui signifie que l’authentification notariale des documents contractuels dépendra également des disponibilités du notaire, ce qui d’expérience peut s’avérer compliqué en pratique.
Notre équipe Alister Avocats – German Desk se tient à votre entière disposition pour vous apporter son assistance et son expertise transfrontalières afin de mettre en œuvre les démarches nécessaires et de vous permettre de vous conformer à la nouvelle réglementation de droit allemand.
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