Attributions gratuites d’actions : Flou sur la date de déclaration auprès de l’Urssaf

Le 08/03/2024

 

Ecrit par Elodie Crost et Florence Baile

 

Le mécanisme d’attribution gratuite d’actions prévu par les articles L225-197-1 et suivants du code de commerce, permet aux sociétés par actions d’associer à leur capital social leurs salariés et mandataires sociaux sans que les intéressés n’aient de versement à effectuer pour l’acquisition de ces titres.

 

Ce mécanisme connu et maintes fois modifié bénéficie d’un régime fiscal et social de faveur sous réserve que le processus et les conditions d’attribution des actions ainsi que les modalités déclaratives soient strictement respectées.

A ce titre, on rappelle que le dispositif légal comprend plusieurs étapes distinctes (article L225-197-1 du code de commerce) :

 

1. L’autorisation donnée par l’assemblée générale extraordinaire au président, dans les sociétés par actions simplifiées, ou dans les sociétés anonymes au conseil d’administration ou au directoire d’attribuer des actions gratuites au profit de salariés ou de certaines catégories d’entre eux, dans la limite d’un pourcentage maximal du capital social (15% à 40% du capital selon la taille de l’entreprise et la répartition des bénéficiaires). La durée de validité de cette autorisation ne peut excéder 38 mois. L’assemblée détermine également quelle sera la durée de la période d’acquisition des actions gratuites qui suit leur attribution, qui doit être d’au moins un an, et le cas échéant celle de la période de leur conservation.

 

2. L’attribution des actions gratuites aux bénéficiaires désignés par le président de la SAS, ou dans les sociétés anonymes le conseil d’administration ou le directoire, qui fixe alors les conditions et, le cas échéant, les critères d’attribution des actions.

 

Les bénéficiaires désignés ne sont à ce stade pas encore associés, mais ont acquis un droit à devenir propriétaires des actions qui leur sont attribuées, sous réserve du respect des conditions et critères d’attribution fixés ;

 

3. La fin de la période d’acquisition (aussi dite période d’attribution définitive) des actions, au terme de la durée déterminée par l’assemblée, soit au moins un an après l’attribution.

 

Les bénéficiaires deviennent alors propriétaires des actions gratuites attribuées, et partant, associés ou actionnaires de la société émettrice ;

 

4. La fin de la période de conservation des actions gratuites, au terme de laquelle les bénéficiaires peuvent céder leurs actions. L’assemblée n’est pas tenue de décider une période de conservation des actions. Toutefois la durée cumulée des périodes d’acquisition et le cas échéant de conservation déterminée par l’assemblée doit être d’au moins 2 ans.

Un régime social de faveur sous conditions, durement sanctionné…

 

Au plan social, l’article L.242-14 du code de la sécurité sociale prévoit que le gain d’acquisition, qui correspond à la valeur des actions gratuites attribuées à la date d’acquisition, est exclu de l’assiette des cotisations de sécurité sociale « si l’employeur notifie à son organisme de recouvrement l’identité de ses salariés ou mandataires sociaux auxquels des actions ont été attribuées au cours de l’année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d’entre eux ».

 

La sanction de cette obligation est sévère : « A défaut, l’employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale » (article L.242-14 du code de la sécurité sociale).

 

 

… mais peu explicite !

 

Au vu des conséquences d’un retard de déclaration, la date de cette déclaration mériterait d’être clairement établie. Or ce n’est pas le cas.

 

En effet, une lecture littérale de la règle plaiderait en faveur d’une déclaration l’année civile suivant celle de la décision d’attribution (étape 2).

 

C’est la position du BOI-RSA-ES-20-20-30 de juin 2016, toujours publié à la date de ce post et celle de net-entreprises Net-Entreprises.fr.

 

Toutefois, le terme « attribution » est ambigu, car il est utilisé par la loi à la fois pour la désignation des bénéficiaires des actions gratuites (étape 2), et pour la fin de la période d’acquisition, dite aussi « attribution définitive » (étape 3), laquelle peut être supérieure à un an.

 

Il peut ainsi être déduit des termes de la circulaire Acoss 2013-0000019 du 28-3-2013 (paragraphe 2.5) que le fait générateur de la déclaration à l’Urssaf est l’expiration de la période d’acquisition (étape 3).

 

En ce sens, on note que, jusqu’au 1er janvier 2013, le code de la sécurité sociale (article L242-1)  imposait la déclaration de l’identité des salariés « auxquels des actions gratuites ont été attribuées définitivement au cours de l’année civile précédente », sans qu’on sache si l’omission du terme « définitivement » dans les versions ultérieures est délibérée ou résulte d’un oubli.

 

La plupart des décisions rendues ces dernières années par les Tribunaux à la suite de redressements Urssaf se bornent à relever que l’entreprise concernée n’a jamais notifié le bénéficiaire des actions gratuites à l’Urssaf, sans entrer dans le détail des délais de déclaration. Les rares décisions précisant des dates semblent se rallier à cette seconde interprétation (Cour d’appel de Lyon, chambre sociale, 28 juin 2016, n° 15/04858), mais sont relatives à des faits antérieurs à 2013. 

 

Par ailleurs, les obligations déclaratives ont été modifiées avec l’introduction de la déclaration sociale nominative DSN mensuelle qui a remplacé la déclaration annuelle des salaires (DADS) depuis janvier 2017. La DSN est transmise au plus tard le 5 ou le 15 du mois suivant (le 5 pour les employeurs de 50 salariés et plus qui ne sont pas en décalage de paie, le 15 pour les autres), ce qui ajoute à la confusion.

 

Il serait opportun que le législateur précise le point de départ de l’obligation déclarative et en particulier la notion d’« attribution » des actions mentionnée à l’article L.242-14 du code de la sécurité sociale.

 

En attendant, il nous semble plus pertinent de retenir la seconde interprétation, et par conséquent de déclarer en DSN les bénéficiaires des actions gratuites à l’issue de la période d’acquisition.

 

Cette position pragmatique correspond à l’orientation actuelle de la Cour de Cassation, pour faire le parallèle avec le fait générateur retenu dernièrement en matière de BSA par la Haute Juridiction dans une décision du 28 septembre 2023. 

 

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