Le 26/09/2025
Rédigé par Myriam Howald Juriste German Desk (Droit du travail)
100.000 euros de dommages et intérêts et des excuses ordonnées par le juge – un signal d’alerte pour tous les employeurs !
Une affaire a priori banale dans le secteur de la restauration suscite actuellement d’importantes discussions en matière de droit du travail : un étudiant en droit, qui travaillait comme serveur à temps partiel à l’Oktoberfest, a été licencié sans préavis après avoir entrepris des démarches en vue de créer un comité d’entreprise (Betriebsrat).
Ce conflit de travail a débouché sur une décision spectaculaire du tribunal prud‘homal régional de Munich dans une procédure d’appel (Landesarbeitsgericht München) : le licenciement a été jugé nul et l’employeur a été condamné à verser environ 100 000 euros de dommages-intérêts, à accorder six mois de congés payés et à présenter des excuses écrites à son ancien salarié (jugement partiel du 16 avril 2025 et jugement définitif du 4 juin 2025, n° 11 Sa 456/23).
Une affaire à portée symbolique, notamment pour les employeurs confrontés à des questions de représentation du personnel, de licenciement et de discrimination.
Que s’est-il passé ?
L’étudiant avait initié la procédure de création d’un comité d’entreprise. Peu de temps après, il a cessé d’être convoqué à son poste habituel, avant d’être réaffecté à un poste en cuisine. Ayant refusé cette nouvelle affectation, il a été licencié sans préavis pour « refus persistant d’exécuter le travail ».
Dans le cadre de la procédure de contestation du licenciement, l’employeur a fait valoir que le salarié était jeune, sans charges familiales et exerçait un job d’étudiant à temps partiel. Le tribunal prud‘homal régional de Munich a considéré cette argumentation comme une discrimination indirecte fondée sur l’âge.
36 demandes – succès total !
Le demandeur (étudiant en droit) a contesté de manière exhaustive son licenciement en introduisant 36 chefs de demande. Il a notamment réclamé :
- le versement des pourboires non perçus,
- une compensation financière pour la perte des repas et boissons à un tarif préférentiel auxquels il aurait eu droit dans le cadre de son travail,
- le remboursement des indemnités retenues de son salaire pour les verres cassés et la blanchisserie,
- le paiement du salaire dû en cas d’inexécution du travail imputable à l’employeur (§ 296 du code civil allemand – BGB),
- ainsi que le paiement de ses congés payés acquis et non pris.
Enseignements juridiques essentiels de la procédure :
- Perte de pourboires – gain manqué (§ 252 BGB) : Le tribunal a qualifié la perte de pourboires de gain manqué au sens du paragraphe 252 du Code civil allemand (BGB). Il a fixé ce préjudice à 100 euros par service, adoptant ainsi une approche novatrice susceptible de faire jurisprudence.
- Avantage en nature – compensation salariale : La consommation gratuite non perçue (repas et boissons à tarif préférentiel) a été reconnue comme un avantage en nature devant être compensé financièrement, et intégrée à ce titre dans la rémunération due.
- Responsabilité personnelle du gérant : En cas de violation intentionnelle d’une norme de protection du travail (création d’un comité d’entreprise), la responsabilité personnelle du gérant a été engagée, constituant une exception au principe de limitation de responsabilité prévu pour les sociétés à responsabilité limitée (GmbH).
- Droits à congés payés – non-extinction et imprescriptibilité : Faute pour l’employeur d’avoir informé le salarié de ses droits à congés et du délai pour les prendre, ces droits ne sont ni prescrits (CJUE, 22.09.2022, aff. C‑120/21), ni éteints avec le temps (CJUE, 06.11.2018, aff. C‑648/16), et peuvent donc s’accumuler sur plusieurs années.
- Excuses écrites – réparation morale : En raison de propos discriminatoires contenus dans les conclusions de l’employeur, le tribunal a ordonné la présentation par l’employeur d’excuses écrites au salarié, s’appuyant sur les principes généraux du droit de l’Union européenne (CJUE, 04.10.2024, aff. C‑507/23).
Quelles conséquences pour les employeurs ?
Ce jugement constitue un signal clair en faveur de la protection des initiatives en matière de représentation du personnel. La création d’un comité d’entreprise bénéficie d’une protection renforcée, à la fois juridique et sociétale. Toute réaction de l’employeur visant à entraver cette initiative — qu’il s’agisse de pressions, de mutations ou d’un licenciement — expose non seulement à l’annulation de la mesure, mais également à des conséquences financières et personnelles significatives.
Même des mesures isolées, telles que des retenues salariales non justifiées, le non-paiement d’heures supplémentaires ou le manque d’information sur les droits à congé, peuvent entraîner des sanctions juridiques. Ce risque est d’autant plus élevé lorsque l’ensemble des circonstances laisse apparaître une situation de désavantage structurel pour le salarié.
Myriam HOWALD, LL.M.
Juriste German Desk (Droit du travail)
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