Cessions-acquisitions : quels sont les enjeux juridiques ?

Le 18 /08/ 2025

 

Cet article a été rédigé par Jennifer Matas et publié au sein de Les Echos Solutions.

 

Au sein de ce dernier, Julie Schrenck, avocat associé au sein du département Droit des sociétés – Fusions-acquisitions, répond aux questions de Jennifer Matas relatives aux cessions-acquisitions et leurs enjeux juridiques.

Elon Musk avec Twitter, Google avec Youtube, Microsoft avec Linkedin… Les acquisitions d’entreprises font régulièrement la Une de la presse économique tant les enjeux sont énormes. Mais ces opérations de vente et d’achat concernent aussi les petites et moyennes entreprises et structurent les paysages économiques mondiaux.

 

Comment bien ficeler ces opérations pour éviter toute mauvaise surprise ? Quelles sont les grandes étapes à respecter pour réussir une opération de cession-acquisition d’un point de vue juridique ? On fait le point.

Cession-acquisition : définition juridique

Aussi simplement appelée “rachat d’entreprise”, la cession-acquisition désigne l’opération par laquelle une personne physique ou morale prend le contrôle d’une autre entreprise.

 

La cession-acquisition consiste, selon le positionnement dans l’opération de la partie concernée, à acheter ou vendre tout ou partie des droits sociaux qui composent le capital d’une société cible”, résume Julie Schrenck, avocate associée au sein du cabinet Alister Avocats, experte en matière d’opérations de cessions-acquisitions.

 

Plusieurs raisons peuvent pousser une entreprise à en acquérir une autre, comme “élargir son champ de compétences, acquérir un portefeuille clients ou encore consolider un positionnement sectoriel”, énumère l’avocate.

 

A la différence de l’acquisition d’un fonds de commerce qui porte sur un actif de la société venderesse, la cession-acquisition d’une cible porte sur les droits sociaux (parts sociales ou actions) qui composent son capital social. 

 

A la différence d’une fusion-absorption caractérisée par une restructuration, la cession-acquisition d’entreprise est scellée par un contrat de vente. La cible peut continuer d’exister, elle n’est pas absorbée par la société acquéreuse.

 

Les 5 grandes étapes de la cession-acquisition

Comme toute opération d’ampleur, la cession-acquisition suit un parcours d’étape dégagées par la pratique 

 

L’accord de confidentialité

 

Première grande étape de toute opération : l’accord de confidentialité. Signé entre le vendeur et le potentiel acheter, cet accord est fondamental, et ce, avant même le début des discussions.

 

Nécessairement, des informations très sensibles seront échangées au cours des négociations, et certaines peuvent être confidentielles, rappelle Julie Schrenck. L’accord de confidentialité permet d’établir un cadre de confiance.

 

« L’objectif : assurer aux deux parties qu’aucune information financière, stratégiques, juridiques ou autres ne fuiteront auprès de concurrents ou du grand public. Pour cela, ce document doit fixer des règles, comme une durée d’engagement, des obligations de destruction ou de restitution des documents en cas d’abandon des négociations et une interdiction de démarcher les salariés ou les clients de l’entreprise cible (clause de non-sollicitation).

 

Lorsque cet accord est signé, les véritables discussions peuvent démarrer en toute sécurité. Ce sont ces échanges qui permettront à l’acquéreur et au vendeur de déterminer leur position et de fixer les conditions en vue d’un accord de cession. Mais avant ce « signing », d’autres étapes sont nécessaires ».

 

La Lettre d’intention (LOI)

 

Deuxième document clé de toute opération de cession-acquisition : la signature de la lettre d’intention ou LOI pour Letter Of Intent.

 

Il s’agit d’un document qui fixe les grandes lignes de l’opération : le périmètre, le prix envisagé, le calendrier, les éventuelles conditions à réaliser, etc. Bien que non contraignant juridiquement sur les engagements d’acquérir et d’acheter, la LOI contient un engagement d’exclusivité de la part du vendeur et implique une obligation de négocier de bonne foi pour les parties”, précise Julie Schrenck.

 

La LOI marque donc le début de négociations beaucoup plus poussées que la simple phase de discussions en première instance.

 

Certains intervenants y accordent peu d’importance. Mais ce que l’on a pu constater, de notre côté, c’est que la LOI avait, a minima, un fort impact psychologique sur les parties et que, de ce fait, rares sont les dossiers avec des LOI bien négociées qui ne mènent pas au deal”, constate l’avocate associée du cabinet Alister Avocats.

 

L’audit ou due diligence

 

Une fois ce cadre de confiance posé et les informations échangées, reste encore à en vérifier l’authenticité. C’est alors que démarre la phase d’audit ou due diligence. Seront scrutées toutes les informations juridiques, fiscales, sociales, financières, opérationnelles-commerciales et autres de la société cible ainsi que de ses filiales.

 

Le but, c’est d’évaluer les risques, d’affiner le prix et de calibrer les garanties qui seront demandées dans le cadre de l’opération, explique Julie Schrenck. Les informations, transmises généralement via des documents confidentiels stockés sur une data room, sont audités. Un rapport d’audit est ensuite établi, permettant à l’acquéreur d’avoir un point de vue clair sur la situation de la société cible, avec d’éventuels “red flags” qui pourraient bloquer l’opération ou des points de vigilance à traiter dans le cadre du protocole de cession. ”

 

Le protocole de cession

 

Si aucun évènement n’est venu stopper l’opération, la procédure de cession-acquisition peut se poursuivre jusqu’au « signing » matérialisé par un “protocole de cession” ou “promesses de cession et d’acquisition”. Il s’agit de l’accord définitif entre les parties, conclu donc après négociations et généralement, après audits.

 

C’est dans ce document que sont formalisés tous les éléments de l’accord, comme le prix, les modalités de la garantie d’actif et passif (GAP), les conditions suspensives (obtention d’un financement, etc.), ainsi que les modalités de transfert de propriété, etc.

 

Le protocole de cession est véritablement l’acte juridique principal de toute cession-acquisition, insiste Julie Schrenck. C’est lui qui fixe de manière détaillée toutes les conditions de l’opération. A la différence de la LOI, ce document engage juridiquement les parties sur leur obligation respective d’achat et de vente. En d’autres termes, si toutes les conditions visées dans le protocole se réalisent, le vendeur sera obligé de vendre et l’acquéreur sera obligé d’acheter.”

 

L’acte réitératif de cession

 

Si toutes les conditions suspensives prévues par le Protocole d’accord sont réalisées, l’accord final se conclut par l’acte de réitératif de cession. C’est le contrat final (« closing ») par lequel la cession-acquisition est juridiquement réalisée. Il concrétise le transfert de propriété et déclenche le paiement, (sauf crédit vendeur), ainsi que les formalités post-cession.

Les enjeux juridiques de la cession-acquisition

Même si elle est structurée et encadrée, la cession-acquisition reste une opération où les risques juridiques sont significatifs et multiples. Pour les limiter au maximum, une bonne préparation est essentielle. Trois points doivent tout particulièrement susciter la plus grande vigilance.

 

Gérer le calendrier et la pluralité des intervenants

Premier point : garder un œil sur le calendrier tout en intégrant l’ensemble des intervenants dans le dossier.

 

Les opérations de cessions-acquisitions impliquent d’obtenir des autorisations préalables : de l’autorité de la concurrence, d’autres organismes sectoriels, des consultations des instances représentatives du personnel, des banques, des partenaires commerciaux, voire des associés minoritaires pour organiser leur sortie… Cela exige beaucoup de gestion qui, mal anticipée, peut fortement retarder l’opération”, prévient l’avocate.

 

En moyenne, un deal prend environ 6 mois depuis les premières discussions jusqu’au closing. Mais les délais peuvent fortement varier d’un projet à l’autre. “Cela peut parfois aller jusqu’à un an, surtout lorsqu’il s’agit de grands groupes, avec des périmètres larges et des enjeux très complexes”, poursuit Julie Schrenck.

 

Soigner les clauses clés du contrat

 

Deuxième point de vigilance : la rédaction du contrat de cession. Certaines clauses doivent particulièrement attirer l’attention, comme la clause de garantie d’actif et de passif (GAP).

 

Son rôle : protéger l’acquéreur contre d’éventuelles mauvaises surprises une fois passée le deal avec la découverte d’éléments dont il aurait dû avoir connaissance avant de signer et qui auraient pu, sinon, avoir un impact négatif sur la valeur de l’entreprise et donc le prix où il l’a achetée.

 

Concrètement, le vendeur s’engager à indemniser l’acquéreur si certains actifs viennent à disparaître ou si des passifs nouveaux ou sous-évalués apparaissent. Et ce, pour tout fait antérieur à la date de cession.

 

La découverte a posteriori d’anomalies, de litiges ou de dettes, ou bien d’une relation commerciale non dévoilée au cours des négociations et des due diligence, et donc non pris en charge par la GAP, est malheureusement toujours possible et reste un risque majeur”, assure l’avocate de chez Alister Avocats.

 

Les engagements post-cession, comme la clause de non-concurrence par exemple, doivent également retenir l’attention. “Ces clauses doivent être proportionnées à la situation”, conseille Julie Schrenck.

 

Anticiper les relations d’associés post-closing

 

Enfin, la réussite d’une opération de cession-acquisition qui ne porte pas sur l’intégralité du capital de la société cible ne se limite pas à un deal conclu avec succès, mais s’étend post-closing. Et un point sur lequel tout acquéreur doit prêter attention, ce sont les relations d’associés qui se mettront en place une fois la cession terminée.

 

Souvent, il arrive que le cédant reste pendant un temps dans l’équation. Par exemple, lorsqu’il cède seulement une partie du capital. Alors, il reste associé, mais son statut change et une nouvelle organisation se met en place.

 

Anticiper les relations d’associés post-closing est crucial, assure l’avocate. Il est nécessaire de tout cadrer en amont et de prévoir le cas échéant les modalités de sorties progressives. Tout cela se prépare dès la phase de négociations et s’incarne via un pacte d’associés, à annexer au protocole de cession.” conclu Julie Schrenck du cabinet Alister Avocats.

 

********

Vous avez un besoin de conseils en matière de cessions-acquisitions ?  Julie Schrenck et notre département droit des sociétés – fusions-acquisitions se tient à votre disposition.

Commentaires (0)

Laisser un commentaire

« * » indique les champs nécessaires

Vous pouvez nous laisser un commentaire si vous avez trouvé cet article intéressant.

Ces articles peuvent vous intéresser...

Une question ?
Contactez-nous !